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Catégorie : Recueil de nouvelles (collectif) Rien à foot

Image Panini

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L’éditeur a choisi de mettre chacun des auteurs du recueil en image Panini de notre enfance. Pas sûr que je sois aussi fort au foot que les joueurs d’origine, mais je pense avoir ma place dans l’équipe pour l’écriture.
Feuilletez « Passe décisive »

Feuilletez « Passe décisive »

VOICI LE DÉBUT DE MA NOUVELLE :

PASSE DÉCISIVE

« Superbe victoire de David contre Goliath ! »

Ainsi était titrée la Une de la Voix du Nord du 26 avril. L’éditorial continuait en ces termes : « À la surprise générale, l’A.S. Boiscourt, modeste club de National 2, a fait tomber l’Olympique lyonnais en quart de finale de la Coupe de France. L’OL fut présomptueux en alignant son équipe B face aux joueurs de cette petite ville du Pas-de-Calais. L’expérience des pros n’a pas fait le poids lors de ce match mythique pour vaincre la fougue et l’envie de ces amateurs ! » Et tout le reste de l’article fut de la même veine – on ne peut plus élogieux.

Ces vingt dernières années, c’était pourtant rare que la presse, tant nationale que locale, parle de Boiscourt de façon aussi positive. Elle avait plutôt pris l’habitude de s’étendre en long, en large et en travers sur son déclin économique et ses difficultés sociales.

Il faut dire que cette petite ville de l’Artois, située à l’est de Lens, avait connu successivement plusieurs coups durs qui avaient provoqué une impressionnante perte d’emplois. Dans les années 1990, les gisements de charbon qui avaient fait la fortune de la région s’étaient taris aussi inéluctablement que des ruisseaux au cœur d’un été brûlant, et les houillères avaient dû fermer leurs portes, mettant sur le carreau des centaines de mineurs. Au début des années 2000, les manufactures de textiles qui avaient un temps donné l’illusion de résister à la redoutable concurrence asiatique avaient fini par sombrer définitivement. Et en 2011, le dernier gros employeur du coin, l’usine Peugeot, s’était laissé séduire par les sirènes de la délocalisation, et les machines comme le travail avaient foutu le camp en Roumanie où les ouvriers travaillaient pour une bouchée de pain.

Avec toutes ces catastrophes, il ne fallait pas s’étonner que la courbe du chômage ait atteint des sommets qui auraient donné le vertige à des alpinistes aguerris. Il n’y avait plus de boulot dans le coin. Certains, les plus diplômés, les plus entreprenants ou les plus motivés, avaient fui cette terre comme la peste, tentant leur chance ailleurs, là où il y avait encore de l’espoir.

Et les autres étaient restés, s’accrochant à leur ville comme des tiques sur le dos d’un chien galeux. Une sorte d’attachement viscéral, difficilement compréhensible pour des horsains.

Boiscourt n’était désormais plus que l’ombre d’elle-même, ne comptait plus que 11 000 habitants, trois fois moins qu’en 1970. La ville s’était tassée sur elle-même, s’était recroquevillée depuis que la municipalité s’était résolue à détruire certains quartiers abandonnés avec le pragmatisme d’un chirurgien amputant le membre invalide d’un patient. Les corons n’étaient plus ces lieux de vie où se regroupaient les familles de travailleurs, plutôt des zones où végétaient des chômeurs attendant leurs indemnités. Les maisons en briques, alignées en cordeau, vieillissaient mal, se dégradant lentement. Nombre de jardins ouvriers étaient désormais délaissés. Ces corons auraient fait un décor parfait pour un film de Ken Loach.

Quant au centre-ville, ses commerces se raréfiaient, année après année, tels les charmes d’une ancienne reine de beauté qui se fanent avec le temps.

Dernier signe de cette déchéance urbaine, le commissariat de police avait laissé place à une modeste gendarmerie.

Il se racontait que dans les cours de l’ENA et de Polytechnique, on enseignait que Boiscourt, à l’instar de Détroit ou de Leipzig, était un cas d’école, un lieu qui n’était pas parvenu à prendre le virage de la reconversion industrielle, un lieu en déperdition. Un lieu sinistré, voire sinistre pour les plus cyniques.

Avec un tel bilan, personne ne s’étonnait que l’alcool concurrence le Seroplex et le Prozac comme remèdes contre la dépression.

Alors forcément, cette victoire inespérée contre Lyon apparût comme une soudaine embellie dans toute cette noirceur, un vrai coup de frein dans cette spirale négative.

Les Boiscourtois étaient aussi enchantés que s’ils avaient découvert un filon d’or dans les anciennes mines de charbon.

C’était un événement formidable qui redonnait un vrai souffle à la ville, une effervescence de joie, une ferveur et une fierté que l’on croyait à jamais éteintes.

Les habitants étaient tellement remontés et tellement optimistes qu’ils furent heureux d’apprendre qu’ils seraient en demi-finale contre l’OM. Pour eux, il ne fallait pas moins ! Ils devenaient téméraires et auraient pu plagier les mots de Cyrano de Bergerac qui, pris dans l’exaltation, se sentait assez brave pour affronter cent hommes en criant :

« Mais je vais être frénétique et fulminant !

Il me faut une armée entière à déconfire !

J’ai dix cœurs ; j’ai vingt bras ; il ne peut me suffire

De pourfendre des nains, il me faut des géants ! »

Les jours passèrent avant le match fatidique et l’euphorie ne retombait toujours pas. Les Boiscourtois avaient tout de junkies qui s’étaient fait un trip du tonnerre et qui planaient de bonheur et d’hébétude, sans paraître pouvoir redescendre de leur nuage.             Malheureusement, le samedi 15 mai, la descente avait fini par se faire, mais plus brutalement que prévu.

Si vous voulez connaître la suite de ma nouvelle, il ne vous reste plus qu’à aller dans la librairie la plus proche ou à commander le recueil sur le site « Au mot près éditions ».

Présentation du recueil « Rien à foot »

Présentation du recueil « Rien à foot »



Un nouveau projet lancé par Michaël Herpin et « Au mot près éditions » : un recueil de nouvelles nommé « Rien à Foot« .
Le cahier des charges était simple :
 – rédiger une nouvelle noire ou policière se déroulant dans l’univers footballistique… avec la Coupe du monde de 2022, l’occasion était trop belle pour écrire sur le monde du ballon rond.
 – faire en sorte que l’histoire corresponde à un titre proposé par l’éditeur (ex : Carton rouge ; Le banc des remplaçants ; Le vestiaire ; Le poteau de corner…)
Pour ma part, j’ai choisi le titre « Passe décisive » pour me lancer dans un récit au déroulement machiavélique durant la Coupe de France.
L’AS Boiscourt, une modeste équipe de Nationale 2, miraculeusement qualifiée pour les demi-finales, doit affronter l’Olympique de Marseille. Une rencontre entre David et Goliath comme il y en a chaque année, sauf que l’impensable va arriver sur le terrain, mais aussi dans les vestiaires…
Quand une mort bouleverse tout…