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Catégorie : Mes Livres

Présentation du polar « Ceux qui meurent »

Présentation du polar « Ceux qui meurent »

Le centre de soin de Sarzeau est en émoi. Une de ses pensionnaires a été retrouvée morte dans le parc. Accident ou suicide ? Tous s’interrogent, sauf un des résidents, Théodore Dagorn, un professeur érudit et policé qui a deviné qu’il s’agissait d’un assassinat. Bientôt d’autres meurtres sont commis avec une ingéniosité diabolique par un tueur qui se plaît à laisser près des corps de curieux messages reprenant des extraits de la Bible. Est-ce un psychopathe, un illuminé ou un fou mystique qui prend ainsi le centre de rééducation pour un terrain de chasse ?

Accompagné de la jeune capitaine Le Tallec, la fille d’une des victimes, Dagorn va mener une enquête parallèlement aux investigations de la police, démêlant peu à peu les écheveaux de toute cette sombre machination.

Comment la policière aux manières expéditives et l’universitaire aux facultés d’observation et d’analyse hors-normes viendront-ils à bout de cette affaire machiavélique ?

Découvrez dans ce polar se déroulant dans le Golfe du Morbihan (et à Rennes) un duo d’enquêteurs décalé qui sera amené à revenir dans d’autres aventures…

Image Panini

Image Panini

L’éditeur a choisi de mettre chacun des auteurs du recueil en image Panini de notre enfance. Pas sûr que je sois aussi fort au foot que les joueurs d’origine, mais je pense avoir ma place dans l’équipe pour l’écriture.
Feuilletez « Passe décisive »

Feuilletez « Passe décisive »

VOICI LE DÉBUT DE MA NOUVELLE :

PASSE DÉCISIVE

« Superbe victoire de David contre Goliath ! »

Ainsi était titrée la Une de la Voix du Nord du 26 avril. L’éditorial continuait en ces termes : « À la surprise générale, l’A.S. Boiscourt, modeste club de National 2, a fait tomber l’Olympique lyonnais en quart de finale de la Coupe de France. L’OL fut présomptueux en alignant son équipe B face aux joueurs de cette petite ville du Pas-de-Calais. L’expérience des pros n’a pas fait le poids lors de ce match mythique pour vaincre la fougue et l’envie de ces amateurs ! » Et tout le reste de l’article fut de la même veine – on ne peut plus élogieux.

Ces vingt dernières années, c’était pourtant rare que la presse, tant nationale que locale, parle de Boiscourt de façon aussi positive. Elle avait plutôt pris l’habitude de s’étendre en long, en large et en travers sur son déclin économique et ses difficultés sociales.

Il faut dire que cette petite ville de l’Artois, située à l’est de Lens, avait connu successivement plusieurs coups durs qui avaient provoqué une impressionnante perte d’emplois. Dans les années 1990, les gisements de charbon qui avaient fait la fortune de la région s’étaient taris aussi inéluctablement que des ruisseaux au cœur d’un été brûlant, et les houillères avaient dû fermer leurs portes, mettant sur le carreau des centaines de mineurs. Au début des années 2000, les manufactures de textiles qui avaient un temps donné l’illusion de résister à la redoutable concurrence asiatique avaient fini par sombrer définitivement. Et en 2011, le dernier gros employeur du coin, l’usine Peugeot, s’était laissé séduire par les sirènes de la délocalisation, et les machines comme le travail avaient foutu le camp en Roumanie où les ouvriers travaillaient pour une bouchée de pain.

Avec toutes ces catastrophes, il ne fallait pas s’étonner que la courbe du chômage ait atteint des sommets qui auraient donné le vertige à des alpinistes aguerris. Il n’y avait plus de boulot dans le coin. Certains, les plus diplômés, les plus entreprenants ou les plus motivés, avaient fui cette terre comme la peste, tentant leur chance ailleurs, là où il y avait encore de l’espoir.

Et les autres étaient restés, s’accrochant à leur ville comme des tiques sur le dos d’un chien galeux. Une sorte d’attachement viscéral, difficilement compréhensible pour des horsains.

Boiscourt n’était désormais plus que l’ombre d’elle-même, ne comptait plus que 11 000 habitants, trois fois moins qu’en 1970. La ville s’était tassée sur elle-même, s’était recroquevillée depuis que la municipalité s’était résolue à détruire certains quartiers abandonnés avec le pragmatisme d’un chirurgien amputant le membre invalide d’un patient. Les corons n’étaient plus ces lieux de vie où se regroupaient les familles de travailleurs, plutôt des zones où végétaient des chômeurs attendant leurs indemnités. Les maisons en briques, alignées en cordeau, vieillissaient mal, se dégradant lentement. Nombre de jardins ouvriers étaient désormais délaissés. Ces corons auraient fait un décor parfait pour un film de Ken Loach.

Quant au centre-ville, ses commerces se raréfiaient, année après année, tels les charmes d’une ancienne reine de beauté qui se fanent avec le temps.

Dernier signe de cette déchéance urbaine, le commissariat de police avait laissé place à une modeste gendarmerie.

Il se racontait que dans les cours de l’ENA et de Polytechnique, on enseignait que Boiscourt, à l’instar de Détroit ou de Leipzig, était un cas d’école, un lieu qui n’était pas parvenu à prendre le virage de la reconversion industrielle, un lieu en déperdition. Un lieu sinistré, voire sinistre pour les plus cyniques.

Avec un tel bilan, personne ne s’étonnait que l’alcool concurrence le Seroplex et le Prozac comme remèdes contre la dépression.

Alors forcément, cette victoire inespérée contre Lyon apparût comme une soudaine embellie dans toute cette noirceur, un vrai coup de frein dans cette spirale négative.

Les Boiscourtois étaient aussi enchantés que s’ils avaient découvert un filon d’or dans les anciennes mines de charbon.

C’était un événement formidable qui redonnait un vrai souffle à la ville, une effervescence de joie, une ferveur et une fierté que l’on croyait à jamais éteintes.

Les habitants étaient tellement remontés et tellement optimistes qu’ils furent heureux d’apprendre qu’ils seraient en demi-finale contre l’OM. Pour eux, il ne fallait pas moins ! Ils devenaient téméraires et auraient pu plagier les mots de Cyrano de Bergerac qui, pris dans l’exaltation, se sentait assez brave pour affronter cent hommes en criant :

« Mais je vais être frénétique et fulminant !

Il me faut une armée entière à déconfire !

J’ai dix cœurs ; j’ai vingt bras ; il ne peut me suffire

De pourfendre des nains, il me faut des géants ! »

Les jours passèrent avant le match fatidique et l’euphorie ne retombait toujours pas. Les Boiscourtois avaient tout de junkies qui s’étaient fait un trip du tonnerre et qui planaient de bonheur et d’hébétude, sans paraître pouvoir redescendre de leur nuage.             Malheureusement, le samedi 15 mai, la descente avait fini par se faire, mais plus brutalement que prévu.

Si vous voulez connaître la suite de ma nouvelle, il ne vous reste plus qu’à aller dans la librairie la plus proche ou à commander le recueil sur le site « Au mot près éditions ».

Présentation du recueil « Rien à foot »

Présentation du recueil « Rien à foot »



Un nouveau projet lancé par Michaël Herpin et « Au mot près éditions » : un recueil de nouvelles nommé « Rien à Foot« .
Le cahier des charges était simple :
 – rédiger une nouvelle noire ou policière se déroulant dans l’univers footballistique… avec la Coupe du monde de 2022, l’occasion était trop belle pour écrire sur le monde du ballon rond.
 – faire en sorte que l’histoire corresponde à un titre proposé par l’éditeur (ex : Carton rouge ; Le banc des remplaçants ; Le vestiaire ; Le poteau de corner…)
Pour ma part, j’ai choisi le titre « Passe décisive » pour me lancer dans un récit au déroulement machiavélique durant la Coupe de France.
L’AS Boiscourt, une modeste équipe de Nationale 2, miraculeusement qualifiée pour les demi-finales, doit affronter l’Olympique de Marseille. Une rencontre entre David et Goliath comme il y en a chaque année, sauf que l’impensable va arriver sur le terrain, mais aussi dans les vestiaires…
Quand une mort bouleverse tout…

Présentation du polar sur Ouessant

Présentation du polar sur Ouessant

Un soir, en ce début d’année 2018, les habitants d’Ouessant se préparent à affronter une terrible tempête hivernale. Alors qu’un conseil municipal a été réuni pour organiser les mesures d’urgence, un cadavre est retrouvé sur l’île. Le médecin de campagne ne tarde pas à comprendre que la mort n’est pas accidentelle. Coupés du continent, sans réseau téléphonique en état de fonctionnement, sans secours possible des forces de l’ordre, le maire, la garde-champêtre et quelques Îliens vont devoir mener leur propre enquête, bravant les éléments déchaînés. Au cours de la nuit, alors que la tempête se renforce et devient plus virulente que jamais, d’autres corps sont découverts. En même temps que la peur, la tension monte au sein du conseil municipal, des querelles éclatent dans ce huis-clos pesant. Et lorsqu’il ne fait plus aucun doute que l’assassin est tout proche, au cœur même de la mairie, tout le monde se suspecte. La fatigue et la crainte des protagonistes ainsi que l’intensité de l’ouragan font surgir des secrets enfouis, brisant des amitiés, exacerbant les rancœurs et les haines. Chacun s’interroge : Qui est ce mystérieux criminel ? Quel est son but ? À quoi rime cette sinistre hécatombe ? Tout ne sera révélé qu’au petit matin, à la fin de la tempête, lorsque cette nuit effroyablement éprouvante s’achèvera…

Origine de mon livre sur Ouessant

Origine de mon livre sur Ouessant

Régulièrement, des lecteurs me demandent comment me vient l’inspiration pour mes ouvrages. Pour « Dernière nuit à Ouessant », c’est clairement le hasard qui fut à la genèse de tout.

Après avoir fini d’écrire « Confesse », je ne savais plus vraiment vers quel projet me lancer : un polar ? Un roman historique ? Un recueil de nouvelles ? Je n’arrivais pas à me décider, et aucune idée à l’horizon.

C’est un jour, en faisant un footing, au moment où mon esprit était libre de vagabonder, que j’ai repensé à Truman Capote qui avait eu l’envie d’écrire « De sang-froid » en partant d’un fait divers survenu dans le Kansas en 1959. Et si, modestement, je procédais de la même manière ? Bizarrement mon esprit a transformé l’expression « fait divers » en « fait d’hiver ». Ce fragile jeu de mots m’a insufflé un soupçon d’idée, ou plus exactement une ambiance. Rien de plus. C’était bien maigre, comme si j’avais planté une graine dans un terreau sans qu’aucune plante ne daigne pousser. Il me manquait encore quelque chose.

Le hasard m’a apporté ce quelque chose : un lieu. Le soir-même, ma femme me proposait d’aller passer le week-end de la Toussaint quelque part, et elle me proposa Ouessant. En faisant des recherches pour organiser ce séjour, j’ai appris que les tempêtes hivernales qui frappaient l’île pouvaient être redoutables. De ce détail, germa lentement dans mon cerveau l’idée d’écrire un polar en plein hiver sur l’île d’Ouessant.

Mais pour que la plante de l’inspiration veuille enfin s’épanouir, il me fallait d’autres éléments : un mobile, des personnages, des décors, une atmosphère… Tout cela vint lors de mon voyage.

Sur le bateau, le Fromveur II, j’ai feuilleté le « Journal des îles du Ponant » et j’y ai trouvé mon mobile à partir d’un article pour le moins anodin. L’arrivée sur Ouessant, au port du Stiff, m’a confirmé son aspect farouche et isolé, difficile d’accès par gros temps, autant par voie maritime qu’aérienne.

Voilà, j’avais le fil conducteur de mon histoire : Et si une terrible tempête hivernale coupait l’île d’absolument toutes les communications avec le continent ? Comment se comporteraient les autorités ouessantines en cas de meurtre ?

Au bout de quelques balades sur ce morceau de roche défiant l’océan Atlantique, je découvrais un paysage digne des romantiques du XIXe siècle, où les éléments s’affrontaient inlassablement, où le vent violent étrillait la terre et la végétation. Et surtout, je finis par trouver la scène de crime que je m’empressai de photographier sous tous les angles. Il ne me restait plus qu’à faire de plus amples recherches sur place en questionnant des habitants sur leur quotidien, sur la flore, sur la faune, sur la mer, sur la présence discontinue des gendarmes sur l’île…

Bref, en revenant d’Ouessant, j’avais toute la matière nécessaire pour créer mon roman policier. Il ne me restait plus qu’à m’atteler à la tâche…. Ce que je fis de novembre 2017 jusqu’à octobre 2018.

 

Feuilletez Dernière nuit à Ouessant

Feuilletez Dernière nuit à Ouessant

     Voici le premier chapitre de ce roman :

– Bordel, c’est de pire en pire ce soir !

En une phrase pour le moins lapidaire, Loïc avait résumé l’ensemble de mes pensées.

Pour confirmer son ressenti, je lui tendis une feuille reçue le matin même par mail :

– Oui, et tu vois, ce n’est pas près de s’améliorer. Les dernières prévisions météorologiques que j’ai pu recevoir de Brest nous annoncent un sacré grain pour cette nuit. Cela va souffler dur sur l’île.

– Toute la journée, mon baromètre n’a pas cessé de descendre, précisa Loïc en badinant. Avant de quitter la maison pour te rejoindre à la mairie, il était encore en train de tomber en chute libre. À l’heure où je te parle, il doit être si bas que l’aiguille doit en avoir la nausée.

– Tu n’as pas eu de problème pour traverser le bourg par ce temps ? demandai-je en dévisageant mon interlocuteur, planté dans mon bureau, appuyé sur sa canne.

– Aucun souci ! répondit-il en souriant malicieusement. Tu sais, parfois, c’est un avantage d’avoir trois pattes. On tient mieux debout ! Même sous un vent colérique. Non, le problème, c’est que toutes ces bourrasques ont mis à mal mon brushing. Je dois être tout dépeigné, dit-il en riant. Cela va en foutre un coup à mon sex-appeal naturel.

Loïc Dagorn fit mine de se recoiffer en passant ses doigts fins dans l’épaisseur de sa chevelure moutonnante. Il était étonnant qu’à près de soixante ans, cet homme-là soit toujours affublé d’une toison abondante, bien touffue, bien frisée. Elle était juste un peu grisonnante, mais pas du tout clairsemée. Un vrai miracle capillaire !

Nous n’étions pas nombreux ici à l’appeler Loïc ou Dagorn. Les Ouessantins disaient plutôt docteur ou toubib lorsqu’ils le croisaient. Je ne savais plus exactement depuis combien de temps il tenait le cabinet sur l’île mais cela faisait un sacré bail. Et les habitants n’étaient pas près de le laisser partir tant ils appréciaient sa gentillesse et sa bonhommie. Pourtant au début ce n’était pas gagné. En voyant ce jeune médecin débarquer au Stiff, il y a plus d’une trentaine d’années, personne n’aurait parié un centime sur sa longévité parmi nous. Il n’était pas très grand, pas très épais, pas très bien attifé et encore moins bien peigné. On aurait dit une ébauche de bonhomme, une simple esquisse que l’on crayonne sur un bout de nappe en papier au restaurant lorsque le serveur tarde à venir. Je me souviens qu’à l’époque ma mère racontait que, pour façonner un homme d’un tel gabarit, le Bon Dieu n’avait dû prendre qu’un petit morceau d’argile qu’il avait pétri un moment avant de se lasser. Pour elle, il était certain que le Créateur n’avait pas achevé sa besogne, que ce n’était qu’une ébauche, voire un brouillon. C’est vrai que l’enveloppe était imparfaite mais le contenu était plus abouti. Notre docteur était un homme bon, drôle et intelligent, au regard pétillant de vie et de vivacité. Lorsqu’en 2014, j’avais pris la décision de briguer un nouveau mandat de maire, j’avais été le trouver à son cabinet pour lui proposer de se mettre sur ma liste. Je le voulais comme adjoint. Je savais qu’il avait les compétences pour cela. Il avait accepté, plus par amitié que par une quelconque conviction politique.

Dagorn prit place sur un des vieux fauteuils capitonnés qui enlaidissaient mon bureau. Ils étaient d’une couleur ocre aux rayures mauves, une couleur à donner une indigestion à un caméléon comme se plaisait à dire Sandrine, ma secrétaire. Je n’étais en rien responsable de ce choix esthétique plus que douteux. La faute en revenait à un de mes prédécesseurs qui, à mon sens, devait souffrir d’un sévère daltonisme doublé d’un mauvais goût hors norme. J’aurai volontiers changé tout ce mobilier mais le budget alloué à ma municipalité était si chiche que je ne pouvais acheter de nouveaux fauteuils sous prétexte que les précédents étaient moches. Comme ils étaient encore dans un état correct, je m’étais résigné à les garder. C’est Sandrine, en femme pimpante et coquette, qui en souffrait le plus. Combien de fois en entrant dans mon bureau avait-elle lâché : « Rien qu’en les regardant, je crois que j’ai un décollement de la rétine ! Je ne vais pas tarder à vous coller un procès aux prud’hommes, monsieur Perrec, pour conditions de travail dans un milieu inhospitalier ou pour atteinte au bon goût. »

– Alors pour résumer, Fanch, quelle est la situation ?

Il avait posé cette question en caressant le pommeau de sa canne, un étrange pommeau en étain ciselé représentant un escargot à la coquille bombée. Beaucoup de gens s’interrogeaient sur la présence de ce gastéropode, plutôt disgracieux, sur une canne d’une telle valeur. Loïc avait en fait le goût de l’autodérision et pour lui, cet animal convenait à merveille puisque, comme il l’expliquait souvent, depuis qu’il avait eu cette triple fracture à la rotule durant son enfance au Conquet, il se déplaçait à la vitesse d’un escargot grabataire souffrant d’un souffle au cœur. Il était tellement fier de la comparaison qu’il l’avait ostensiblement matérialisé par cette sculpture singulière. Pour la blague, il aimait exagérer. Il ne se mouvait pas aussi lentement qu’il se plaisait à le dire mais il était vrai que sa démarche claudicante ne lui permettait pas d’atteindre de grandes pointes de vitesse.

– La tempête Carla s’annonce aussi forte que prévu. C’est une belle tempête hivernale qui nous arrive droit dessus. Ouessant est en plein sur sa trajectoire et va se faire secouer comme un prunier un jour de récolte.

– Ce n’est tout de même pas la première tempête que va essuyer l’île !

– Non, bien sûr, mais une aussi violente que celle-ci, ce n’est pas commun. Nous n’atteindrons pas les records des coups de vent de 1987 ni de 1999 mais les météorologistes la prévoient quand même dans le top cinq des tempêtes les plus virulentes de ces quarante dernières années.

– À ce point ?

J’acquiesçai d’un signe de tête, tout en relisant une note.

– Il semblerait que nous soyons dans un secteur de très basses pressions qui, d’habitude, passent dans la zone polaire mais à cause d’un foutu anticyclone qui a pris ses quartiers dans tout le Nord de l’Europe, cette dépression va rester et s’accentuer entre les latitudes 50° et 70°, s’étalant de Terre-Neuve jusqu’aux îles britanniques, avant de progresser vers la Bretagne.

– En clair ?

– En clair, cela signifie que des vents violents venant du nord/nord-ouest vont nous tomber dessus en pleine nuit, des vents estimés à 120 km/h avec des rafales pouvant aller jusqu’à 140km/h. Le tout avec des averses dignes du déluge.

– De quoi arroser l’événement comme il se doit !

– Attend, pour que la fête soit complète, il paraît que la pression va tomber jusqu’à 960 hPA[1]. L’océan va être déchaîné. Voilà qui nous promet des lames tellement hautes qu’elles foutraient le vertige à des alpinistes chevronnés.

– C’est la station de Brest qui t’a promis toutes ces joyeusetés ?

– Oui, j’ai reçu un communiqué à 9h00 et un autre à 13h00. Et pour être sûr, je suis allé au Stiff voir ce que la balise météo indiquait.

– Et alors ?

– Alors les gars m’ont dit qu’ils avaient enregistré à 16h00 des vents à 90 km/h, avec des rafales à 110. J’y suis allé vers 17h00 et la balise venait de rentre l’âme. Une bourrasque a arraché un de leurs appareils de mesure. Tu aurais dû voir Tanguy, il était en pétard. Il gueulait comme une brebis à qui on vient de retirer son petit. Il n’y avait plus de raison que je m’attarde sur place et je suis rentré à la mairie.

– Il y a longtemps que tu es là ?

– Un peu après 17h30, je crois. En tout cas, Sandrine était déjà partie. J’ai aperçu au loin sa Polo quittant le bourg.

– Cela ne m’étonne pas. Nous savons tous les deux que Sandrine est toujours ponctuelle sur ses heures de bureau… du moins celles de fin de journée, souffla-t-il en ricanant. Elle est moins rigoureuse sur celles de début de service.

Je partageais son sourire moqueur. J’avais beaucoup d’affection pour ma secrétaire, une femme incontestablement compétente, néanmoins je ne pouvais nier qu’elle ne se montrait pas toujours très vaillante face à la tâche. Elle perdait beaucoup de temps à papoter et ne risquait pas d’être surprise un jour à faire des heures supplémentaires. Elle quittait toujours le bureau à l’horaire prévu, jamais une minute de plus. Je dois avouer que ce soir, je n’étais pas mécontent de son absence. C’est ce que je confiai à mon ami :

– Tant mieux qu’elles soient parties, elle et ses parlotes. J’avais besoin d’un minimum de calme et de silence pour préparer la réunion de ce soir.

– C’est un Conseil municipal d’urgence que tu nous concoctes ?

– Il y a un peu de cela. Je sais que nous serons impuissants face à Carla mais nous serons au moins présents, histoire de nous permettre de faire le point et de pallier le plus pressant en cas de problème.

 

Le silence se fit peu à peu entre nous. Nous restions à écouter le tumulte du vent à l’extérieur de la mairie. Un sifflement lancinant semblait frôler la façade de la mairie. Le vent s’époumonait à souffler sur le bourg, comme un môme devant son gâteau d’anniversaire qui cherche à éteindre toutes les bougies. Cela soufflait et cela postillonnait sans relâche.

Ce vacarme était entêtant et je dois l’avouer un peu inquiétant.

Dagorn devait également se sentir un peu mal à l’aise puisqu’il préféra le son de notre conversation aux vociférations enragées du vent :

– Tu as remis ton attelle, Fanch ? lança-t-il en pointant mon bras gauche de l’index. C’est ta tendinite qui fait encore des siennes ?

– Oui, elle m’avait foutu la paix pendant longtemps mais aujourd’hui, elle me fait particulièrement souffrir. Ce doit être l’humidité ambiante qui l’a réveillée.

– Elle a bon dos l’humidité. Tu as encore dû forcer sur ton bras.

– Il a bien fallu que je rentre mon canot. Je l’avais laissé sur mon gazon. Je l’ai tiré jusqu’au garage. Et puis, dans mon décret d’hier, j’ai demandé à nos concitoyens de ranger ou d’attacher tout ce qui serait susceptible de s’envoler avec les bourrasques. Il a bien fallu que je montre l’exemple. Mais à force de le solliciter, mon bras gauche s’est mis à me faire mal.

Dagorn me fixa de son regard vif en esquissant un sourire furtif. Il lâcha en faisant un clin d’œil :

– Espérons que demain matin la seule victime à déplorer soit ton bras.

Que pouvais-je ajouter à son bon sens ?

Rien. Je me murai dans un silence contemplatif. J’écoutai le grincement régulier de la charpente de la mairie. La toiture semblait souffrir sous les brusques rafales, faisant entendre de sinistres craquements comme le ferait la mature d’un vieux trois-mâts pris en pleine tourmente.

Je ressentais une forte tension qui était en train de naître et de croître, sans que je sois en mesure de jauger si cette nervosité m’était propre ou si elle flottait dans l’air ambiant engendrée par cette situation climatique extrême.

 

La porte de mon bureau se mit soudain à trembler sous l’effet d’un frappement vigoureux. J’eus à peine le temps de dire « entrez » que Pol Bonnemayre, un de mes conseillers municipaux, fit son apparition.

Bonnemayre était un Ouessantin pur souche, un véritable breton bretonnant comme disent les Rennais avec un soupçon de mépris dans la voix, le même mépris qu’auraient des Parisiens pour des cousins de province. Pourtant Bonnemayre, il fallait mieux le moquer en sourdine, et à distance de préférence, car c’était un colosse, un solide bloc de granit dont nos ancêtres faisaient des menhirs. Il n’était plus de première jeunesse mais toujours solide. Lors de certaines fêtes dans le bourg de Lampaul, des jeux étaient organisés où les Îliens pouvaient s’affronter en toute convivialité. Chaque année, Bonnemayre restait invaincu au tir à la corde. Plus d’un jeune avait fini le cul par terre d’avoir voulu voler son titre à cette force de la nature. Après son service militaire à Lorient, il avait fait une petite carrière dans divers clubs de rugby, au poste de troisième ligne centre, à Clermont ou à Toulouse. À trente ans, il avait abandonné les terrains gazonnés pour devenir chef mécanicien dans la marine marchande. Il avait vogué une bonne quinzaine d’années sur toutes les mers du monde avant de venir s’échouer sur le port de Brest. Il y avait ouvert un modeste bar à marins qui ne lui avait pas permis de faire fortune. Et finalement il était revenu passer sa retraite sur son île natale.

C’était un homme simple et discret. Un vrai taiseux qui ne l’ouvrait que lorsqu’il avait vraiment quelque chose à dire. Une qualité rare à l’époque de la télé réalité ou des réseaux sociaux où plus personne n’a honte d’exposer à la face du monde la platitude de sa vie ou la futilité de ses réflexions.

D’une voix claire et forte, cette statue de granit me mit au courant du premier incident provoqué par Carla :

– J’ai essayé de te joindre sur ton portable tout à l’heure, Fanch, pour te signaler qu’un réverbère était tombé à la sortie du bourg, en direction de la pointe de Pern. Mais cela sonnait occupé. Impossible de t’avoir. J’ai voulu appeler Sandrine à la mairie, mais je n’ai pas eu plus de succès.

– Cela ne m’étonne pas, Pol. En fin d’après-midi, le répartiteur téléphonique s’est mis à déconner. Je ne sais pas quel est le problème, si c’est à cause du vent ou de la pluie mais résultat des courses : il n’y a plus de téléphone sur toute l’île, ni portable, ni fixe. Et il n’y a plus de liaison internet non plus. C’est le black out total. C’est déjà un miracle que la centrale du Doulou soit en état de marche et qu’on ait encore de l’électricité.

– Tu veux dire qu’on ne peut plus communiquer avec le continent ?

– Plus du tout ! Ni mail, ni appel téléphonique. Et avec cette tempête, impossible de quitter l’île. Vu les rafales annoncées, il a été décidé de fermer l’aérodrome. Tous les avions sont cloués au sol jusqu’à nouvel ordre. Quant aux liaisons maritimes avec le Conquet, il ne faut même pas y penser avec une mer d’Iroise démontée comme jamais.

– En clair, notre île est complètement coupée du continent ? demanda Dagorn en fronçant ses sourcils broussailleux.

– Oui, complètement isolée du reste du monde, mon vieux Loïc. Pendant quelques heures, nous allons être livrés à nous-mêmes, en plein cœur d’une terrible tempête.

– Eh bien, cela nous promet de bons moments en perspective…

[1]  Symbole de l’hectopascal, l’unité de mesure de la pression.

Feuilletez Qu’en dira-t-on

Feuilletez Qu’en dira-t-on

Voici le début de ma nouvelle :

Qu’en dira-t-on

— Vous avez demandé le 17, ne quittez pas…
Une voix apparemment âgée, mais plutôt énergique, répondit dans la foulée.
— Je suis bien au commissariat de Boskerque ?
— Oui, madame, mais ne quittez pas, je suis à vous dans une petite seconde.
Un infime bruit de froissement de papier se fit entendre, ainsi qu’un court échange verbal en arrière-fond, avant que la policière ne reprenne la conversation d’un ton chaleureux :
— Excusez-moi, madame, je suis à vous. Que puis-je faire pour vous ?
— Enfin, ce n’est pas trop tôt ! Je suis madame Caron, qui vit au 4 de la rue Rompe-Cul.
— Oui ?
— J’aimerais parler au commissaire.
La demande avait tout d’un ordre tant elle était impérieuse.
— Je suis désolée, mais le monsieur le commissaire n’est pas encore arrivé. Il ne sera là que vers neuf heures ou neuf heures trente. Mais dites-moi ce qu’il se passe, je pourrai peut-être vous aider.
— Non, non, ce n’est pas la peine. Je veux parler à un gradé.
— Je peux vous passer le brigadier Legrain, si vous voulez, il est…
— Non, coupa-t-elle sèchement. Je veux parler au commissaire, et pas à un de ses sous-fifres. Je veux quelqu’un de compétent. Tant pis, je rappellerai ou je passerai tout à l’heure.
Sans même un « au revoir » ou un simple « merci », l’inconnue avait raccroché.
La jeune policière se mit à sourire en repensant aux mots entendus : « commissaire » et « compétent ». Jamais elle n’aurait songé à associer ces deux termes dans une même phrase. Apparemment la dénommée Caron ne devait pas très bien connaître le commissaire Vasseur.
« Plutôt sympathique ; à l’écoute de ses subalternes ; avec un humour souvent caustique ; laid ; sec comme un courlis ; brouillon ; bordélique ; fâché avec les horloges ; d’une intelligence moyenne ; peu intuitif. » Voilà en général ce que disaient les policiers de leur commissaire Quentin Vasseur. Mais « compétent », ça, jamais cela ne leur venait à l’esprit. Il serait exagéré d’affirmer qu’ils ne l’appréciaient pas, mais ils étaient pleinement conscients de ses défauts et surtout de ses limites.
Sa hiérarchie était parvenue depuis longtemps au même constat et c’est la principale raison pour laquelle elle l’avait laissé végéter depuis dix ans dans ce petit commissariat de la commune de Boskerque.

Cette modeste ville des Hauts-de-France ne comptait plus que 15 000 âmes alors qu’elle en avait près du double trente ans plus tôt. Les fermetures de l’usine Peugeot et des Textiles Fournier, les deux principaux employeurs de la ville, avaient provoqué une véritable hémorragie démographique. Les rieurs se plaisaient à dire que les déménagements étaient devenus un sport plus courant que la bourle ou le football, dans le coin. À ce train, Boskerque était devenue ce que les Américains nommaient une shrinking city .
Le taux de chômage atteignait des altitudes qui ne pouvaient que donner le vertige à des habitants habitués aux plaines du Pas-de-Calais. Ce chômage persistant et le manque de perspective pour sa jeunesse servaient de terreau à une petite délinquance que la police peinait à endiguer. Aux dernières élections municipales, Stanislas Krawczyk, le candidat du Rassemblement national, avait fort opportunément fait campagne sur le thème de l’insécurité, exagérant les chiffres des migrants passant quotidiennement par la commune pour rejoindre Calais. Les Boskerquois avaient cru aux sirènes du RN, à ses promesses d’éradiquer le chômage et la délinquance, et avaient élu Krawczyk à une forte majorité.
Quentin Vasseur n’avait pas voté pour ce type, non seulement parce qu’il ne partageait pas ses idées, mais aussi parce qu’en tant que commissaire, il avait été très souvent cité et critiqué dans les discours de l’extrême droite sur son incapacité à arrêter les dealers et autres voleurs de la commune.
Pour lui, ce manque de résultats ne pouvait lui être imputé. Trop d’affaires sur lesquelles enquêter et trop peu d’effectifs à sa disposition. Son bureau croulait littéralement sous les piles de dossiers disposées en arc de cercle autour de lui.
Assis sur son fauteuil, le dos plié à feuilleter une liasse de documents, Vasseur s’arrachait les cheveux en tentant d’élucider une affaire de viol.
Bien entendu, « s’arracher les cheveux » ne pouvait être qu’une simple formule puisqu’il avait le cheveu aussi rare que grisonnant. L’homme avait cinquante-deux ans, il était de taille moyenne et maigre comme un clou. Son visage semblait mal proportionné, comme si un sculpteur amateur l’avait pétri au petit bonheur la chance dans une masse de terre glaise, l’agrémentant d’un disgracieux menton en galoche, d’un nez cassé de boxeur et d’un front dégarni assez bombé.
La bouche en pleine action de mastication de chewing-gum, Vasseur relisait la déposition de la jeune femme violée. Il ne s’en doutait pas encore, mais le commissaire allait bientôt laisser tomber cette enquête. Il allait avoir une nouvelle affaire à étudier, une affaire dont il se souviendrait toute sa vie.

Tout avait commencé par trois coups brefs contre sa porte, trois coups semblables à ceux qui retentissent au théâtre, avant l’ouverture du rideau.

Pour connaître la suite, il ne vous reste qu’à vous rendre dans la librairie la plus proche ou de commander le livre sur le site « Au mot près éditions ».

Présentation du Recueil

Présentation du Recueil

Michaël Herpin et « Au mot près Éditions » ont demandé à dix auteurs d’écrire des nouvelles noires ou policières, avec pour seule contrainte de commencer par ces quelques mots : « Vous avez demandé le 17, ne quittez pas… »

J’ai eu l’idée d’inventer une histoire se déroulant dans une ville du nord (imaginaire), en m’inspirant d’un fait divers survenu dans une commune du Calvados au début des années 2000 où sévissait un mystérieux corbeau. C’est ainsi qu’est née la nouvelle « Qu’en dira-t-on. »