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Catégorie : Recueil de nouvelles (Collectif) « Vous avez demandé le 17 »

Présentation du Recueil

Présentation du Recueil

Michaël Herpin et « Au mot près Éditions » ont demandé à dix auteurs d’écrire des nouvelles noires ou policières, avec pour seule contrainte de commencer par ces quelques mots : « Vous avez demandé le 17, ne quittez pas… »

J’ai eu l’idée d’inventer une histoire se déroulant dans une ville du nord (imaginaire), en m’inspirant d’un fait divers survenu dans une commune du Calvados au début des années 2000 où sévissait un mystérieux corbeau. C’est ainsi qu’est née la nouvelle « Qu’en dira-t-on. »

Feuilletez Qu’en dira-t-on

Feuilletez Qu’en dira-t-on

Voici le début de ma nouvelle :

Qu’en dira-t-on

— Vous avez demandé le 17, ne quittez pas…
Une voix apparemment âgée, mais plutôt énergique, répondit dans la foulée.
— Je suis bien au commissariat de Boskerque ?
— Oui, madame, mais ne quittez pas, je suis à vous dans une petite seconde.
Un infime bruit de froissement de papier se fit entendre, ainsi qu’un court échange verbal en arrière-fond, avant que la policière ne reprenne la conversation d’un ton chaleureux :
— Excusez-moi, madame, je suis à vous. Que puis-je faire pour vous ?
— Enfin, ce n’est pas trop tôt ! Je suis madame Caron, qui vit au 4 de la rue Rompe-Cul.
— Oui ?
— J’aimerais parler au commissaire.
La demande avait tout d’un ordre tant elle était impérieuse.
— Je suis désolée, mais le monsieur le commissaire n’est pas encore arrivé. Il ne sera là que vers neuf heures ou neuf heures trente. Mais dites-moi ce qu’il se passe, je pourrai peut-être vous aider.
— Non, non, ce n’est pas la peine. Je veux parler à un gradé.
— Je peux vous passer le brigadier Legrain, si vous voulez, il est…
— Non, coupa-t-elle sèchement. Je veux parler au commissaire, et pas à un de ses sous-fifres. Je veux quelqu’un de compétent. Tant pis, je rappellerai ou je passerai tout à l’heure.
Sans même un « au revoir » ou un simple « merci », l’inconnue avait raccroché.
La jeune policière se mit à sourire en repensant aux mots entendus : « commissaire » et « compétent ». Jamais elle n’aurait songé à associer ces deux termes dans une même phrase. Apparemment la dénommée Caron ne devait pas très bien connaître le commissaire Vasseur.
« Plutôt sympathique ; à l’écoute de ses subalternes ; avec un humour souvent caustique ; laid ; sec comme un courlis ; brouillon ; bordélique ; fâché avec les horloges ; d’une intelligence moyenne ; peu intuitif. » Voilà en général ce que disaient les policiers de leur commissaire Quentin Vasseur. Mais « compétent », ça, jamais cela ne leur venait à l’esprit. Il serait exagéré d’affirmer qu’ils ne l’appréciaient pas, mais ils étaient pleinement conscients de ses défauts et surtout de ses limites.
Sa hiérarchie était parvenue depuis longtemps au même constat et c’est la principale raison pour laquelle elle l’avait laissé végéter depuis dix ans dans ce petit commissariat de la commune de Boskerque.

Cette modeste ville des Hauts-de-France ne comptait plus que 15 000 âmes alors qu’elle en avait près du double trente ans plus tôt. Les fermetures de l’usine Peugeot et des Textiles Fournier, les deux principaux employeurs de la ville, avaient provoqué une véritable hémorragie démographique. Les rieurs se plaisaient à dire que les déménagements étaient devenus un sport plus courant que la bourle ou le football, dans le coin. À ce train, Boskerque était devenue ce que les Américains nommaient une shrinking city .
Le taux de chômage atteignait des altitudes qui ne pouvaient que donner le vertige à des habitants habitués aux plaines du Pas-de-Calais. Ce chômage persistant et le manque de perspective pour sa jeunesse servaient de terreau à une petite délinquance que la police peinait à endiguer. Aux dernières élections municipales, Stanislas Krawczyk, le candidat du Rassemblement national, avait fort opportunément fait campagne sur le thème de l’insécurité, exagérant les chiffres des migrants passant quotidiennement par la commune pour rejoindre Calais. Les Boskerquois avaient cru aux sirènes du RN, à ses promesses d’éradiquer le chômage et la délinquance, et avaient élu Krawczyk à une forte majorité.
Quentin Vasseur n’avait pas voté pour ce type, non seulement parce qu’il ne partageait pas ses idées, mais aussi parce qu’en tant que commissaire, il avait été très souvent cité et critiqué dans les discours de l’extrême droite sur son incapacité à arrêter les dealers et autres voleurs de la commune.
Pour lui, ce manque de résultats ne pouvait lui être imputé. Trop d’affaires sur lesquelles enquêter et trop peu d’effectifs à sa disposition. Son bureau croulait littéralement sous les piles de dossiers disposées en arc de cercle autour de lui.
Assis sur son fauteuil, le dos plié à feuilleter une liasse de documents, Vasseur s’arrachait les cheveux en tentant d’élucider une affaire de viol.
Bien entendu, « s’arracher les cheveux » ne pouvait être qu’une simple formule puisqu’il avait le cheveu aussi rare que grisonnant. L’homme avait cinquante-deux ans, il était de taille moyenne et maigre comme un clou. Son visage semblait mal proportionné, comme si un sculpteur amateur l’avait pétri au petit bonheur la chance dans une masse de terre glaise, l’agrémentant d’un disgracieux menton en galoche, d’un nez cassé de boxeur et d’un front dégarni assez bombé.
La bouche en pleine action de mastication de chewing-gum, Vasseur relisait la déposition de la jeune femme violée. Il ne s’en doutait pas encore, mais le commissaire allait bientôt laisser tomber cette enquête. Il allait avoir une nouvelle affaire à étudier, une affaire dont il se souviendrait toute sa vie.

Tout avait commencé par trois coups brefs contre sa porte, trois coups semblables à ceux qui retentissent au théâtre, avant l’ouverture du rideau.

Pour connaître la suite, il ne vous reste qu’à vous rendre dans la librairie la plus proche ou de commander le livre sur le site « Au mot près éditions ».